parcouru l’Allemagne et la Turquie, dit que la Turquie n’est pas asservie aux Allemands et qu’elle compte bien s’en débarrasser.
— Mme Guillaumet, Mme B… et sa sœur consultent Freya, la plus intelligente des chiromanciennes, qui se fait 300 francs par jour, à 10 francs la séance. Aucune des trois femmes n’a demandé quand finirait la guerre.
— Tristan me cite un tout petit professeur ; exigu, haut de 1 m. 50, qui déclare qu’on chassera les Allemands « d’un coup d’épaule ».
— Certains de ceux qui ont perdu leur fils par la guerre paraissent en éprouver un moindre chagrin que s’ils l’avaient perdu dans la paix. Les patriotes admirent ce stoïcisme ; ils appellent cela « avoir du cran ».
— On envisage encore la rupture de l’Amérique et de l’Allemagne, rupture qui déciderait de l’attitude d’autres neutres : espagnols, scandinaves. Mais personne n’en parle comme d’un gros événement. C’est un des effets de cette torpeur qui atténue même les deuils.
— Chaque jour partent du front 2.000 lettres de soldats qui en ont assez.
— Les patriotes se délectent de cette anecdote sauvage. Une petite fille a son père tué et son oncle qui n’est point au front. Et elle dit : « Oh ! Maman, j’aimerais mieux être à la place de papa qu’à celle de mon oncle. »
— Ma cousine J. B…, d’une extrême dévotion, a eu son fils tué à Douaumont comme observateur en avion. Dans une lettre d’elle, se mêle à son chagrin la pure thèse réactionnaire : « On n’avait rien vu, ni prévu, sans quoi, après 20 mois, nos braves enfants ne seraient pas tués. »