domestiques, de tous ceux qui touchent les classes sacrifiées, révèlent une résignation à peine plaintive, un ennui supporté sans révolte. Tous les restaurants, des plus humbles aux plus fastueux, donnent une stupéfiante impression de grasse chère, d’abondance imperturbée, de goinfrerie pantagruélique. Y a-t-il de nombreuses misères cachées ? Rien ne les trahit à l’oreille aux écoutes. Sans doute sont-elles isolées, sans voix et sans lien. Et les allocations apaisent bien des indignations.
— Sur le Quai d’Orsay, avec Bouttieaux, nous rencontrons le capitaine Ménard, un aviateur qui vient de s’évader d’Ingolstadt avec le lieutenant Pinsard. Ils franchirent les fossés du fort en plein jour, afin de voir quand les sentinelles laissaient le champ libre. Pendant 2 minutes 1/2, au rythme de leurs allées et venues, elles avaient le dos tourné. C’est dans cet intervalle qu’ils franchirent le fossé. L’opération rata une fois. Ménard seul passa. Ils s’aidaient d’une échelle de six mètres, faite avec le plancher d’une salle de bains. Ils avaient de fausses clés de toutes les serrures. Tous deux vêtus en trimardeurs, ils voyageaient la nuit, dormaient le jour, dans de petits bois de sapins. Ils avaient 15 jours de vivres sur le dos. Ils se guidaient avec une carte au 1/320.000e et une boussole, en suivant le Danube. Ménard me dit qu’il a lu beaucoup de mes livres à Ingolstadt, où la lecture était la seule distraction.
— Les Allemands annoncent qu’ils ont fait 38.000 prisonniers à Verdun. Une note officielle française nie, disant que le total des tués, prisonniers, disparus, n’atteint pas ce chiffre. Les Allemands offrent de publier les 38.000 noms…
— Le 18. Dîner avec l’inventeur Torrès et l’écrivain Ibañez, tous deux Espagnols. Ibañez, qui a