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sante, indéfinie et tremble et pâlit à la seule idée de la paix.

— Painlevé, que j’avais vu le 11, reconnaissait qu’il y avait eu de graves dissentiments entre Galliéni, réellement malade, et Joffre. Il citait de ce dernier, à propos de la succession éventuelle de Galliéni et du choix d’un remplaçant comme ministre de la Guerre, ce mot historique : « Surtout, pas de général ! »

— On se plaint dans les journaux que la France ne déploie pas assez son génie inventif. Mme B… dit que, seuls, les communiqués inventent. Sa mère propose que le Service du Communiqué soit rattaché à la direction des Inventions.

— Sur le besoin de sommeil de Joffre, R… tient d’un de ses amis qu’un général ayant fait un rapport urgent et grave à Joffre, celui-ci s’éveilla aux dernières paroles et balbutia : « Eh bien, général, quel est l’objet de votre visite ? »

— Le 16. Henry-Paté, revenant de Verdun, dîne chez Mme Guillaumet. Il affiche un optimisme absolu, avouant ensuite drôlement qu’il l’afficherait même s’il était inquiet. Après le dîner, quelques convives oublient les soucis du moment dans un poker prolongé.

Ce fut vraiment le dîner de la bourgeoisie à Paris au vingtième mois de la guerre, pendant la bataille de Verdun. On entendit le père qui s’excuse de n’avoir qu’un fils sergent, près de la dame qui s’excuse de n’avoir qu’un mari sous-lieutenant. On entendit rouler toutes les banalités sur la guerre qui traînent dans les journaux. Pas un cri de pitié, de solidarité vraie, pour ceux qui souffrent indiciblement dans cet instant même, pas un cri d’indignation contre le fait même de la guerre.