MARS 1916
— Le 6. À mon retour de Serbonnes, j’apprends quelques particularités sur Verdun. Le haut commandement voulait, au début, lâcher la ville. Raisons : nous avons le dos à la Meuse ; il y a quatre ponts que les Allemands détruiront quand ils voudront ; Verdun, un amas de ruines, ne pourra plus alors être ravitaillé ; autant abandonner ce saillant et rectifier le front.
Briand bondit à Chantilly. Il cria : « Si vous abandonnez Verdun, vous serez des lâches, des lâches ! Et ce n’est pas ce jour-là que vous me donnerez votre démission. Je vous la donne tout de suite si vous abandonnez. »
Plus tard, Poincaré fut à Verdun ; là, l’État-Major le travailla, si bien qu’à son retour, au Conseil du samedi 4 mars, il déclara, subissant encore l’influence militaire, que l’on voulait garder Verdun pour des raisons « politiques ». Quelques ministres se rebiffant, il consentit à reconnaître qu’il donnait à ce mot son sens le plus étendu.
Bref, le G.Q.G., passant de l’extrême optimisme à l’extrême désarroi, voulait lâcher Verdun ; mais par un restant de roublardise invétérée, il entendait s’en faire donner l’ordre par le Gouvernement.
L’obscur consentement à la reddition expliquerait