Page:L'envers de la Guerre - Tome 1 - 1914-1916.djvu/22

Cette page a été validée par deux contributeurs.

soldat allemand pourraient être ainsi libellées : « Dans l’armée française, on voit des Arabes, des Sénégalais, des Hindous, des Belges, des Anglais. On y voit même des Français. »

— Je racontais devant Briand que, dans le train qui me ramenait de Saint-Amand à Bordeaux, j’avais parlé de la situation avec un député nègre. Il me dit : « Il la voyait en noir ? »

— Quand on confronte les premières dépêches annonçant l’anéantissement de la cathédrale de Reims avec les photographies de ce monument, presque intact dans ses grandes lignes, on conçoit cette tendance à l’exagération contre laquelle il faut se roidir pour rester juste.

— On connaît l’anecdote du général nasillard qui, en manœuvre, demande à un soldat : « Qu’est-ce que c’est qu’un camp ? » Le soldat entend mal, se trouble, croit que le général lui demande l’explication d’une injure brève et courante, empruntée à l’anatomie féminine. Confus, baissant le nez, il murmure : « Oh ! mon général, c’en est un qu’est pas ben dégourdi. »

On s’est servi de la même confusion de mots pour appeler Poincaré, par allusion à son départ pour Bordeaux : « Le camp retranché de Paris. »

— 18 octobre. Déjeuner à Andernos, sur le bassin d’Arcachon. Il y a Viviani, M. Thomson et sa fille Valentine, Mme  Guillaumet et moi, en une auto. Il pleut. C’est devenu un tic chez Viviani (président du Conseil) de mettre tous les insuccès sur le dos des Anglais « qui arrivent toujours trop tard ». Il prévoit une « paix bâtarde après une lutte indécise ». Il paraît amer et las. La petite salle à manger, au rez-de-chaussée de l’auberge, est froide et sombre. On amène la table près du feu et près de la porte-