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de Lyon. Chemin faisant, il s’excusa d’avoir un second convive, un petit rédacteur de La Lanterne qu’il s’était cru obligé d’inviter parce qu’on allait manger un lièvre offert et tué par lui. C’était Briand. Quand nous sortîmes, après déjeuner, nous prîmes chacun un fiacre en nous souhaitant bonne chance.

Je n’ai guère cessé de le revoir. Pendant l’affaire Dreyfus, lors de sa direction de La Lanterne, de La Petite République, puis comme député, comme ministre. Bien que je me rende compte du changement de ses opinions, prêchant la grève générale, militant du Dreyfusisme, artisan de la Séparation, et fondateur avec Barthou de la tiède fédération des gauches, je n’ai jamais cessé de subir l’attrait singulier de son esprit, de sa blague savoureuse, de son scepticisme apparent. Et je me rappelle, après une longue conversation à la Brasserie Zimmer, lors de ses débuts parlementaires, où il silhouetta drôlement ses collègues, avoir pris cette note : « Oh ! Esprit, sel de la vie ! »

— Curieux effet des zeppelins. Le raid eut lieu un samedi. Le dimanche, les truffes avaient baissé de moitié prix aux halles : les acheteurs des grands restaurants estimaient qu’ils n’auraient pas de clientèle à truffes le soir.

— Le 8. Le Petit Parisien n’avait pas encore imité le Journal et le Matin dans leur propagande patriotique (exposition des atrocités, monument Cavell). Il vient d’offrir le monument aux victimes du zeppelin.

— La légende se cristallise que nous étions en décadence avant la guerre. La France dansait le tango, uniquement. C’est toujours la même stupidité : quelques milliers de gens dansaient ; des millions travaillaient.