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s’expriment, même chez les femmes. Une actrice, qui est infirmière, constate avec satisfaction qu’il n’y a pas cet hiver de trêves de tranchées (ce qui est faux, d’ailleurs), et se félicite que les Français fusillent les Allemands qui tentent un rapprochement. Il y a là une étrange perversion de l’esprit. C’est ainsi que le capitaine M… trouvait héroïque et charmant ce trait qu’il rapportait : des trêves de tranchées ont établi des rapports réguliers entre les adversaires ; mais un jour les Français tuent le sous-officier allemand qui s’avance en confiance.

— On demande à un prisonnier allemand, un professeur, qui sera victorieux : « Les vaincus, ce seront les morts ; les vainqueurs, ceux qui reviendront. »

— Un officier du G.Q.G., invité à la popote de Doullens, rééditant un propos que j’avais noté d’après Bouttieaux, dit ingénument : « Oh ! nous, au G.Q.G., nous ne parlons pas de la guerre. »

— Le médecin L…, retour du front, signale qu’en décembre 1914 il y eut une terrible épidémie de typhoïde dans la région de Bar-le-Duc : 40.000 cas. On n’inocula qu’ensuite.

— Le 18. La reddition du Montenegro est appréciée sévèrement. On rappelle la vénalité du roi Nikita, qui aurait joué à la baisse avant d’engager la première guerre balkanique et dont d’Estournelles de Constant disait alors : « Il met le feu à l’Europe pour faire cuire son œuf à la coque. »

— Depuis 18 mois, la guerre coûte au total, chaque jour, 3.000 vies humaines et 350 millions en moyenne. Personne ne s’émeut plus de ces chiffres stupides.

— Malgré le farouche espoir des forcenés, les hommes se parlent, de tranchée à tranchée. Et une sentinelle allemande demande à une sentinelle fran-