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préfecture. L’une d’elles, voulant prolonger son séjour, s’est vu refuser en ces termes : « Non. Cela suffit pour la section. »

— Jean T… rentre d’Allemagne par la Suisse, comme infirmier fait prisonnier. Sur le quai de la gare, à Lyon, ses compagnons et lui sont assaillis de questionnaires écrits qui commencent par : « Avez-vous été maltraités ? » Jean T…, en conscience, répond : « Non. » Un de ses amis répond : « Oui. » T… s’étonne. L’autre s’excuse : « Je n’ai pas osé. »

— L’héroïne de Loos, dont le Petit Parisien publie les Mémoires, a été caviardée hier. Elle racontait précisément comment, à l’abri d’une porte, elle avait tué des Allemands. La Censure n’a pas permis qu’elle racontât les circonstances de ces exécutions qui lui valurent tant d’honneurs.

— Une ancienne domestique revient des régions envahies par l’Allemagne. Elle dit qu’en Allemagne et en Suisse il y eut des repas chauds aux haltes, des soins, des visites d’infirmiers, de médecins. À partir d’Annemasse, en France, un traitement de bagnards. Défense de bouger, de descendre, même pour satisfaire un besoin naturel. Des détours insensés, qui la firent passer par Montauban pour rejoindre Paris.

— Le cas Clemenceau apparaîtra curieux dans le recul du temps. Ce labeur prodigieux, à 70 ans passés, cet article quotidien. Sa haine fanatique de l’Allemand, son patriotisme embrasé. Enfin, son âcre critique. En dehors de la jouissance d’exprimer sa pensée, de servir sa cause et de fouailler son prochain, il semble chercher encore l’approbation de quelques intimes à qui marquer ainsi sa verdeur et sa puissance : « Ah ! mon cher, comme vous avez enlevé le morceau, ce matin ! »