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est actuellement chauffeur de taxi. Aussi Clémenceau de dire : « Ce Poincaré, pour aller au front, s’habille en chauffeur. Sans doute pour rappeler à sa femme son premier mari. »

— J’ai sous les yeux la photographie d’un groupe de soldats qui viennent de prendre un canon allemand au 25 septembre 1915. Il y a là le médecin Noël X…, martial, croix de Genève au bras. À ses pieds, trois cadavres allemands, en tableau de chasse. Je me demande les réflexions que lui inspirera ce cliché, quand on aura recouvré la raison.

— Beaucoup de gens refusent de lire, dans les journaux suisses, le communiqué allemand. Ils lisent le communiqué français. La vérité est entre les deux. Comment ces gens-là seraient-ils impartiaux ? C’est d’ailleurs la thèse de nombreux patriotes. Ils rejettent tout le défavorable.

— Le 8. Chez Victor Margueritte, un capitaine de « houzards », Fabien M…, écrivain à ses heures. Il conte ses campagnes. Il dit sa première impression de guerre, en août 1914. Cent cinquante soldats français, morts, déjà noirs, dans une tranchée. « Je me suis approché, je les ai flairés et, comme je ne flanchais pas, je me suis dit que la guerre pouvait durer. » Il se plaignait aussi que les Allemands eussent une odeur intolérable. Déjeunant, dans un château, à la table qu’avait dû abandonner Von Kluck à la retraite de la Marne, il fut forcé d’achever son repas dehors.

— On habille les petits en soldats, comme naguère au carnaval. Des fillettes ont le bonnet de police et le manteau « horizon ». Et les socialistes qui voient la dernière guerre ! On leur prépare des générations qui aimeront l’uniforme, une des raisons d’être de la guerre.