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énorme cataclysme. Mais les patriotes qui l’entendaient et qui ne s’imaginaient pas la réalité d’une bataille actuelle, s’indignèrent : « Où aller ? Mais en avant ! Toujours en avant ! »

— Le 11. Le discours de Bethmann-Holweg surprend ceux qui croyaient vraiment à des propositions de paix allemandes. Il est violent, annexionniste. D’autre part, en France, c’est toujours l’horreur de la paix. On couvre de ridicule et d’injures la tentative de l’industriel américain Ford, qui vient faire en Europe une croisade pacifiste. On se demande comment ces pays qui tournent si furieusement le dos à la paix arriveront à la regarder en face.

Tel petit bourgeois se lamente sur ses angoisses paternelles — son fils aux tranchées — sur ses dernières années de vie amoindries par la diminution de ses revenus. Lui parle-t-on de la paix ? Il réplique violemment : « Oh ! On ne peut pas signer la paix maintenant ! » Qui lui souffle cette réponse ? D’abord son journal qui pense pour lui et qui, sous le joug de la censure, ne peut être que « jusqu’au boutiste ». Puis l’orgueil. Signer la paix équivaudrait à s’avouer vaincu (?) et on espère des lendemains meilleurs.

— Étienne a vu Joffre. Celui-ci prétend ignorer l’histoire de la phrase latine de Castelnau. Il espère que les troupes franco-anglaises pourront tenir à Salonique jusqu’aux diversions russe et italienne.

— Chez le couturier Gallet, il y a des robes de pierreries de 2.700 à 3.500 francs, destinées au gala de l’Opéra du 29 décembre. Et les hommes ont de la boue glacée jusqu’au ventre dans les tranchées…Il paraît d’ailleurs qu’à la matinée de réouverture de l’Opéra, le 8, il y eut un thé sous la coupole, éblouissant de brio, de gaîté, d’entrain.

— Le préfet de la Gironde est avisé de préparer