Page:L'envers de la Guerre - Tome 1 - 1914-1916.djvu/175

Cette page a été validée par deux contributeurs.

hommes que la déflagration des obus a frappés de chocs nerveux. Il aurait accompli de vrais « miracles » scientifiques. Un médecin impecteur visitant son centre neurologique, R… attendait assez anxieusement son appréciation. Mais la seule observation de ce haut fonctionnaire fut, en visitant le magasin du matériel, pour exiger qu’on cirât les lacets de souliers.

— Oh ! entendre le docteur R… expliquer qu’il faut trois mois pour « remonter le moral » des hommes, c’est-à-dire les trier, trouver ceux qui, de nouveau, se jetteront le plus volontiers sur l’ennemi, puis les exciter, les exalter pour la tuerie.

— Bellicoles : Les buffetiers. Je vois le buffet de Montereau, qui dormait naguère sous la poussière et les mouches. Le flot des troupes anglaises a passé, sans fin… Les hommes tendent une pièce blanche, disent : « pain, vin », prennent ce qu’on leur donne, sans vérifier la monnaie, s’en vont, aussitôt remplacés. Quel coup de fortune !

— Albert J… en permission. Il est le symbole du petit soldat des campagnes. On trouve en lui la résignation : « Puisqu’il faut y aller… » Puis l’excitation à la lutte par les moyens mécaniques, la musique, le clairon qui sonne la charge. Il se rend compte. Il dit qu’à de simples manœuvres, ils se sentent pris du besoin de combattre et qu’ils en deviennent méchants les uns contre les autres.

— On rappelle ce mot, qui doit être faux, mais qui est symbolique. Poincaré dit à Joffre : « Comment se fait-il que mon nom soit attaqué et que le vôtre soit si populaire ? C’est très injuste. Car en somme, c’est vous qui m’avez dit de partir pour Bordeaux. » À quoi Joffre : « Je vous avais dit de partir et non de foutre le camp. »