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L’ENVERS DE LA GUERRE

— Notre ministre va chaque soir au Quartier Général, à Bordeaux, pour savoir les nouvelles. Et il prétend qu’à l’examen du nez du colonel Buat, chef de cabinet de Millerand, il voit la tournure des opérations.

— Dans les environs de Bordeaux, nous tombons chez des gens qui ont collectionné les atrocités dans les journaux. Ils les savent par cœur, se les renvoient avec frénésie. Ils citent aussi des faits locaux inédits. Cet Allemand, dans un hôpital de Bordeaux, qui dit qu’il préférerait un bol de sang français à sa tisane. Ils ajoutent : on l’a tué.

— À l’hôpital, un turco rôde autour d’un blessé allemand. On se méfie qu’il ne le tue. On veut l’éloigner. Il répond : « Sois tranquille. J’attends qu’il soit guéri. »

— On dit : « Dans quelle haine de nous a-t-on dû les élever ! » N’y avait-il pas aussi chez nous des professeurs de haine, des professionnels de la haine ?

— On dit : « Quelle atroce façon de faire la guerre ! » L’atroce, c’est de faire la guerre.

— Il y a une coquetterie du costume d’infirmière. Celles auquel il sied le gardent pour déjeuner en ville.

— Oh ! L’immense respect humain, le souci du voisin dans cette sinistre aventure. D’un blessé on n’ose même pas dire qu’il souhaite un congé de convalescence. On héroïse tout. De quiconque est ramené en arrière, on dit : « Il est furieux. Il veut retourner au front », même s’il n’en a point envie.

— Tristan Bernard, disant la part du hasard dans les batailles, prétend que l’organisateur de la victoire aurait dû s’appeler, non pas Lazare Carnot, mais le Hasard Carnot.

— Du même Tristan, né à Besançon en 1866 et réfugié actuellement à Bordeaux : « J’avais quatre