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Freycinet dit à ses trois collègues du Sénat : « Le barreau était bien représenté. » En effet, Poincaré, Millerand, Viviani sont avocats.

— Le 17. Passent à Paris le colonel de zouaves Le B… et le médecin Noël M… Ils disent que tout l’avancement est aux mains des élèves des jésuites et qu’il n’y a rien à faire là contre. Le nombre d’aumôniers croît. Il y en eut un par division, puis par brigade, maintenant par bataillon. Ils citent un extraordinaire jésuite, qui se coule partout, entrebâille la porte du bureau du colonel : « Pas besoin d’un petit coup d’éponge ? » C’est-à-dire l’offre de la confession. Ces prêtres nomment beaucoup d’officiers par leur petit nom, tant ils les connaissent depuis l’enfance.

— Ah ! c’est décidément le règne du travesti. Ces uniformes — qui ne sont plus des uniformes au sens originaire du mot tant il y règne de fantaisie — ce goût du costume militaire super-élégant, chez les professionnels comme chez les autres. Et quelles étranges visions… À Armenonville, à une table voisine de la nôtre, un sous-lieutenant de dragons enlace de son bras le buste de sa trop bruyante compagne et laisse voir ainsi au poignet un tatouage d’escarpe…

— Avec Tristan, nous constatons tous les vœux qui s’exhalent vers la paix. Dans la rue, vers 10 heures du soir, j’entends deux femmes qui sortent : « Oh ! cette obscurité ! On étouffe. Quand aura-t-on de la lumière, de la lumière ! » La domestique de Tristan, rangeant des livres, éternue. « À vos souhaits », dit Tristan. Elle répond : « Je n’en fais qu’un : la paix. » Et dans les campagnes, dans toutes les campagnes, un seul mot : « À quand la fin ? » Mais tous ces vœux flottent, inconsistants. La censure bâillonne