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chef de cabinet de M. Thomson — et moi qui suis, à titre honorifique, chef-adjoint. Deux avions se poursuivent dans le crépuscule, parmi la fusillade, la foule aux fronts levés, les petits nuages ronds de fumée des obus éclatés.

Nous arrivons le 4 septembre à Bordeaux, où le ministère du Commerce est installé à l’Institution des Sourdes-Muettes, rue Saint-Sernin. Très vite, l’espoir renaît, avec les premiers engagements sur l’Ourcq.

Les Notes qui suivent, et qui ont été écrites au jour le jour, partent de ce moment.

— De Paris à Bordeaux. Nous n’avons trouvé de chaînes en travers de la route qu’à partir du Centre. Plus on descend, plus la garde veille. Terribles, ces gardes civiques à trois francs par jour, qui jouent pour un rien de la baïonnette ou du fusil. Ils sont saouls « le pouvoir. À Étampes, un homme fouille les voitures, avec des commentaires insolents. Il culmine, il jouit. À l’escale du dîner, je bavarde avec l’américain Jaccacie, qui fait route avec nous. Il n’admet pas qu’on critique les militaires. Ils font leur métier. On réglera les comptes après.

— La victoire de la Marne cause une stupeur heureuse. Elle ne se révèle que lentement aux esprits. David, devant Goliath étendu, dut connaître cet étonnement ravi. Le Grand Quartier Général (G. Q. G.) envoie aux ministres, à Bordeaux, un communiqué où il parle d’une « retraite sans exemple dans l’histoire ». Le Conseil des ministres remplace par : « une retraite sans exemple par son étendue ».

— Des territoriaux, près de Reims, couraient abattre un de nos dirigeables : le Fleurus.

— Parfois quand on téléphone de Bordeaux, le soir, au G. Q. G., on répond que Joffre dort.