niqué : « De la Somme à la Meuse, nous tenons, etc… ». C’est une stupeur. Beaucoup croient à une erreur. On a voulu dire : « De la Sambre à la Meuse. » Mais il faut s’y résoudre : on nous apprend de cette singulière façon la retraite.
De ma fenêtre je vois passer les réfugiés belges recueillis au Cirque de Paris. Affreux cortège de vieux, de petits, en pantoufles, surchargés de ballots. Une fourmilière qui déménage. Le croirait-on ? Ces malheureux réclament le cinéma, dont l’écran se dresse dans le cirque. On le leur donne et ils oublient un moment leur misère.
Les taubes apparaissent. Dans la foule ignorante, plus de curiosité que de crainte. D’ailleurs, on cache les morts. « Dégâts insignifiants », écrit-on. Car la censure règne. Le soir, Paris est sinistre, dans une obscurité opaque, où l’on marche à tâtons. Seuls, deux rayons de projecteurs balaient la nuit.
L’invasion continue. Un soir, le bruit court qu’on a coupé l’armée allemande à Guise. Un officier, sortant du Ministère, embrasse une jeune femme dans la rue : « Nous les avons coupés ! »
Cependant on s’aperçoit que les forts de Paris datent de 1876 et ne résisteraient pas, que le camp retranché est à peine ébauché, que les canons des forts n’ont pas de réglettes de tir. Malgré un important parti qui veut la guerre de rues, la résolution se dessine de déclarer Paris ville ouverte, après une bataille honorable vers Pontoise. Le 2 septembre, on croit toujours à la marche des Allemands sur Paris, à l’enveloppement même par le sud-est. Ce sont alors d’énormes départs, où l’on s’écrase dans les gares comme dans un incendie de théâtre.
Le Gouvernement part pour Bordeaux. Nous quittons Paris en auto, un soir, Vergniaud — le