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sés ; il put profiter du travail fait dans l’intervalle par M. Hunt (Cf. Année Soc. VI), des connaissances approfondies qu’avait acquises M. Bruce, le gouverneur anglais de ces îles (cf. p. XX ; des documents entiers appartiennent en propre à ce dernier, p. 294, 266, etc.), des progrès intellectuels réalisés par certains indigènes qui purent remettre des manuscrits entiers à M. Ray, le linguiste de l’expédition (Cf. Rep. Cambr. Exped. Torres Str., III, Linguistics, par M. Ray, p. 300, etc).

Seulement, dans l’intervalle, la décadence des institutions sociales s’est accentuée, peut-être encore plus qu’aux îles occidentales. Les gens des Murray, ceux sur lesquels porte, de préférence, l’observation, sont chrétiens depuis plus de vingt-cinq ans (p.200, p.89). La plupart des sanctuaires et des fétiches n’étaient plus, il y a dix ans, que des reliques, encore précieuses, d’anciens cultes (p. 219.). On leur attribuait encore quelque force, quelque valeur, mais on ne s’en servait plus pour les usages auxquels ils étaient destinés. Certains durent être reconstitués artificiellement. Aussi nos auteurs s’expriment-ils d’ordinaire à l’imparfait. Les cérémonies auxquelles on les fit assister furent remises en vigueur après de longues années de désuétude. D’autres sont devenues des jeux. Même le grand culte national, celui de la société des hommes à Mer, la plus importante des îles, le culte de Bomai-Malu, bien qu’il eût pour subsister toute l’autorité que donne l’organisation politique et religieuse, était déjà caduc il y a vingt ans. C’est donc à une reconstruction, à une restauration (cf. les planches XXIX et XXX) que l’on nous fait assister. Nous convenons qu’elle est faite avec prudence, ingéniosité, habileté, à l’aide des meilleurs auteurs indigènes. Mais nous nous demandons si tant de travail n’eût pas mieux été appliqué à observer des tribus moins éloignées de leur état « natif ».

Quoi qu’il en soit, que les faits soient établis plutôt par induction que par expérience directe, ils n’en sont pas moins importants pour une théorie générale de l’évolution religieuse, et de la décomposition du totémisme. Nous assistons, en effet, à l’aide des travaux de M. Haddon et de ses collaborateurs, à une véritable expérience telle que nous n’aurions osé en imaginer une a priori. Nous avions indiqué, en rendant compte du volume V, que les Insulaires occidentaux (Mabuiag, Muralug, etc.) nous semblaient présenter des phénomènes curieux qui nous permettaient de concevoir le passage des cultes toté-