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voulu honorer de leur présence cette réunion, M. Charles Garnier, l’illustre architecte de l’Opéra, dont le nom restera comme l’un des plus brillants et des plus caractéristiques dans l’histoire de l’Art au dix-neuvième siècle, et M. Charles Normand, à l’initiative intelligente duquel on doit ce généreux mouvement en faveur des œuvres d’arts, qui a trouvé son expression dans la Société des Amis des Monuments parisiens.

Il me faut maintenant vous exposer, au nom du Comité d’initiative. Messieurs, les causes, le but et les bases de l’œuvre semblable que nous désirons créer à Rouen, et à laquelle vous avez bien voulu prêter votre appui favorable.

Notre ville est certainement, parmi toutes les cités de France, l’une de celles qui offrent la plus grande richesse de monuments et la plus intéressante physionomie pittoresque. Dans cette ville, témoin de tant d’événements importants, théâtre de tant de drames célèbres, berceau d’une civilisation aussi active qu’industrieuse, tous les âges, toutes les époques ont laissé des monuments, des traces et des vestiges. À côté des splendides édifices encore debout et qui racontent si magnifiquement toutes les transformations de notre architecture nationale du moyen âge, mille autres débris de monuments abandonnés ou détruits en partie, existent encore, pierres éparses qui sont comme les fragments de notre histoire locale, si souvent reliée à l’histoire générale, histoire qui embrasse à la fois les révolutions et les progrès des arts, de la religion, de la politique, de la guerre, de l’industrie et des mœurs domestiques.

Malheureusement, depuis ces grandes époques artistiques, il semble que l’on se soit complu à détruire et à renverser l’œuvre des créateurs. De tous côtés, dans notre ville, les ruines se sont accumulées.

Ce n’est point que, contre un pareil état de choses, contre une situation aussi triste et aussi menaçante, on n’ait point entendu, à toutes les époques, de vigoureuses protestations. Des voix éloquentes, celles de nos archéologues et savants rouennais, les Hyacinthe Langlois, les Deville Delaquerrière, Th. Licquet, l’abbé Cochet, André Pottier, etc., etc. se sont élevées pour plaider la cause de nos vieux édifices qu’ils considéraient comme une partie de nos gloires nationales. Nous serions injustes si nous ne rendions pas pleine justice à ces travaux si nombreux de nos antiquaires rouennais, aussi recommandables par la justesse de leurs vues que par la profondeur de leurs connaissances.

Ces initiatives isolées, ces protestations particulières, quelles que soient la compétence et l’autorité de leurs auteurs, n’ont point toujours abouti et ne sont pas toujours parvenues à briser les obstacles et à vaincre les résistances qu’on leur opposait.

Réunir ces efforts isolés, leur donner la force et la puissance que fournit l’union organisée, telle est la raison d’être de la Société que nous vous proposons de fonder. Concentrer dans une association libre, complètement étrangère à toute idée de secte et de parti, toutes les bonnes volontés, créer, ainsi qu’on l’a dit, une force permanente, gardienne jalouse et intelligente des diverses branches de l’Art, dont notre ville, à toutes les époques, nous a légué de si superbes exemples, telle est la raison qui motive la création de l’Association des Amis des Monuments, qui serait comme la Ligue pour la défense des intérêts artistiques de notre cité.

Ces préoccupations s’imposent si rigoureusement qu’elles ont amené, il y a deux ans, la création à Paris de la Société des Amis des Monuments parisiens, constituée sur l’initiative de M. Charles Normand, avec le concours de MM. A. Normand, Jules Claretie, Albert Lenoir, Mûntz et Monteil, qui nous devançait sur la route où nous voulons la suivre aujourd’hui. La Société parisienne, organisée dans le but de veiller sur les monuments d’art et sur la physionomie monumentale de Paris, qui compte parmi les membres de son bureau les noms les plus distingués, ne se désintéresse pas de la défense et de la protection des monuments départementaux.

Tout en conservant notre initiative personnelle, tout en gardant notre autonomie en tout ce qui concerne notre organisation intérieure — formation de nos statuts et de notre règlement — nous nous rallions à la Société des Amis des Monuments pari-