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agissaient comme vous agissez, nous pourrions trouver, dans une union confraternelle et générale, des ressources et des forces qui pourraient nous échapper si nous étions isolés dans nos comités respectifs.

Oui, il faut que chaque département, que chaque ville, chaque village même, vous imite et vous suive ; alors, de toutes ces sociétés locales, de toutes ces réunions spéciales, naîtra une grande association qui, avec probité, avec conscience et dévouement, veillera à la conservation de ce qui doit être conservé. Peut-être même un jour, cette Association générale nommera-t-elle des délégués pour la représenter et qui, sortes de députés officiels de l’art et de l’histoire, sauront avoir une autorité réelle et puissante pour défendre le pittoresque qui disparait et les vieux souvenirs qui s’évanouissent ?…

En attendant ce moment, Messieurs, nous devons procéder avec une grande prudence et une grande circonspection. Nous devons nous attacher à convaincre plutôt qu’à critiquer, à éclairer plutôt qu’à combattre. Il faut que les administrations qui décident du sort des choses s’habituent graduellement à trouver en nous, non pas des opposants ou des fâcheux, mais bien des alliés véritables et directs. D’ailleurs il ne faut rien exagérer ; l’antiquité d’un bâtiment n’en constitue pas le mérite absolu, et, si l’on doit garder avec soin les œuvres intéressantes du passé et conserver aux cités leur caractère propre, on ne saurait exiger l’immobilité des actes et l’abandon du progrès. Restons donc dans notre rôle de conseillers modestes, et, lorsqu’on sera bien convaincu que le patriotisme artistique est notre seule guide et que nous ne voulons nous substituer à personne, on viendra nous demander des avis sincèrement exprimés.

Quant à vous. Messieurs, votre mission particulière, celle que vous vous imposez est bien grande et bien enviable en même temps ; car nulle ville de France ne réclame plus que la vôtre une sérieuse et persévérante attention. Déjà, hélas ! bien des richesses archéologiques et pittoresques ont disparu de la ville de Rouen ; bien des trouées ont été faites dans les vieux quartiers que les artistes admiraient ; mais vous avez encore tant d’édifices si remarquables, tant de rues si mouvementées, tant de quais si superbes, et tant d’aspects si divers et si grandioses, que vous ne pourrez guère vous reposer si vous faites bonne garde autour de tous les trésors qui vous restent.

Enfin, si, grâce à votre sollicitude, grâce à l’union qui doit se faire entre les diverses sociétés déjà fondées ici, et qui ne peuvent qu’applaudir à votre nouvelle création, car il ne saurait y avoir de rivalité là où il y a un but commun à atteindre et une défense commune à organiser ; si donc, grâce à vos efforts réunis, vous parvenez à sauvegarder quelques vestiges d’un autre âge, à faire rendre des libertés à la construction moderne et à fixer ainsi les jalons de votre histoire artistique, soyez certains que votre tâche aura été bien et dignement accomplie, et que la France entière vous aura grande reconnaissance.

Du reste, les noms de ceux qui se sont mis à la tête de votre nouvelle Société sont de sûrs garants de la réussite de votre œuvre : aussi, c’est avec la certitude que nous trouverons en vous des collaborateurs éminents, ou, plutôt, avec la conviction que vous nous donnerez les meilleurs exemples, que je viens au nom de la Société des Amis des Monuments parisiens souhaiter une cordiale bienvenue à la Société des Amis des Monuments rouennais, et vous assurer personnellement. Messieurs, de ma bien affectueuse sympathie.

Charles Garnier.


M. Despois de Folleville résume ensuite les idées de la Commission d’initiative. Nous donnons les parties essentielles de son exposé si complet, que son étendue nous empêche de reproduire in extenso.


Je ne puis mieux répondre à votre attente qu’en remerciant chaleureusement aussi et en souhaitant une cordiale bienvenue aux deux hommes éminents qui ont bien