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SITUATION EN 1882.

et que notre attitude n’eût pas, dès le début, prévenu toute équivoque. Durant plusieurs années, nous n’avions manifesté par aucun acte la volonté de retenir et d’exercer le protectorat. C’est en 1879 seulement que nos intentions s’étaient affirmées ouvertement ; mais le malentendu était déjà complet, et l’Annam ne pouvait être ramené par de simples pourparlers à notre manière de voir. Depuis lors, pas un des Ministres, qui s’étaient succédé aux départements des Affaires étrangères et de la Marine, n’avait méconnu la nécessité d’affirmer les droits de la France, et de les mettre à l’abri des contestations, soit par un nouveau traité avec la cour de Hué, soit par d’autres mesures.

Du reste, les événements ne permettaient plus de tergiverser. Non seulement le Gouvernement annamite ne remplissait aucune de ses obligations conventionnelles à notre égard ; mais ses procédés vexatoires rendaient intolérable la position de notre chargé d’affaires à Hué.

Au Tonkin, la situation était pire encore. Une insurrection y avait éclaté, et des troupes chinoises étaient intervenues pour rétablir l'ordre ; nos consuls et leur petite escorte étaient en butte à l’hostilité des mandarins, menacés par les forces rebelles et par les armées chinoises. Dès 1880, nous avions pensé à une expédition, pour occuper solidement le bassin du Fleuve-Rouge jusqu’à sa partie supérieure. Ce projet avait été écarté ; mais on avait laissé au Gouverneur de la Cochinchine le soin de « relever le prestige de l’autorité française amoindrie par nos hésitations et nos faiblesses. » On lui avait recommandé, il est vrai, de ne pas « se lancer dans les aventures d’une conquête militaire ; » mais on l’avait autorisé à envoyer sur les côtes du Tonkin l’effectif naval dont il pouvait disposer, et, s’il le jugeait bon, à appuyer sa démonstration par un léger accroissement des garnisons de Hanoï et de Haïphong.

Conformément à ces instructions, M. le Le Myre de Vilors avait pris, en janvier 1882, le parti de doubler la garnison de Hanoï. À son tour, il avait recommandé à son lieutenant d’être modéré et de