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POURQUOI
JE NE SUIS PAS
POSITIVISTE(1)

Mesdames, Messieurs,

La « constitution » d’une science n’est pas son éclosion première. Ni sa pleine maturité. Les sciences viennent à la vie avec les marques essentielles de notre commune faiblesse. Elles subissent les crises variées d’une longue et pénible croissance. Souvent elles nous étonnent par leur naïveté, leur incompréhension initiales.
Tôt ou tard, néanmoins, elles entrent dans une période de stabilité et de force relatives, elles atteignent l’âge de raison. Nous les admettons pour majeures, nous les reconnaissons pour définitivement constituées.
L’école positiviste tâcha d’éclaircir, de préciser, de fixer le sens de ce dernier terme. L’échelle du savoir, établie par Comte, exigeait un complément d’enquête sur les idées voisines, mais distinctes, de série, de constitution, d’évolution, d’interdépendance des sciences.
Pour pouvoir se superposer les unes aux autres et former une succession logique ininterrompue, les diverses disciplines abstraites doivent satisfaire à certaines conditions d’âge et de développement.
Quelles sont celles-ci ?
Une science est constituée, affirme Littré, lorsqu’elle arrive : 1° à reconnaître quelqu’une des propriétés fondamentales de la matière ; et 2° à établir sur cette propriété une doctrine abstraite susceptible d’évolution. Et il cite en exemple la physique, qui, ayant admis l’irréductibilité de certaines qualités générales des choses, connues sous le nom de forces, commença sur chacune la théorie abstraite qu’elles comportent ; ou la chimie et la biologie qui, constatant, l’une, l’affinité des substances, et l’autre la vitalité des tissus, en recherchèrent les lois essentielles.
Une limitation et une fin analogues s’imposent aujourd’hui à la sociologie.
D'une manière générale, l’école positiviste a cent fois raison. Délimiter strictement-une large catégorie de phénomènes et les étudier, les


(1) Leçon d'ouverture d'un Cours sur la « Constitution de l’éthique », donné à l'Université Nouvelle de Bruxelles.

4e Année, XXXVII.