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commune, serait condamnée avec autant d’acharnement qu’en met un méthodiste de la Nouvelle Angleterre pour s’opposer à l’établissement d’un orgue dans sa chapelle.

D’autres socialistes, comme les Fabiens, traitent ouvertement et en termes précis la question de la propriété privée comme une question de pur accommodement, et déclarent qu’il faut seulement mettre l’entretien du peuple indépendant du capital et de l’entreprise privés, et qu’après cela, plus nous avons de propriété privée et d’activité individuelle, mieux cela vaut. Nous voyons donc ici que le socialisme calviniste est loin d’être d’accord, en principe, avec le socialiste fabien, car c’est précisément la question de principe qui les rend irréconciliables, quoiqu’ils puissent s’entendre à un moment donné sur les questions de tactique. Je suis moi-même fermement convaincu que le socialisme ne vaudra pas la peine d’être achevé intégralement, que bien longtemps avant qu’il ne soit parvenu aux limites dernières de son organisation politique et industrielle il aura si considérablement diminué la violence à laquelle il doit sa force actuelle, qu’il reculera devant le prochain grand mouvement de développement social, laissant de tous côtés des restes de libéralisme individualiste intacts, parmi les restes de féodalisme que le libéralisme lui-même a laissés derrière lui. Je crois aussi que la dissolution des petites autocraties et des petites oligarchies de propriétaires et de capitalistes privés stimulera énormément la vraie entreprise individuelle au lieu de l’anéantir ; et je soupçonne fortement que les États socialistes laisseront, sans y prendre autrement garde, des ressources comparativement considérables dans les mains de certains individus qui deviendraient, en raison de cela, coupables, comme classe privilégiée, envers les niveleurs convaincus. Si je ne me trompe, le socialisme arrivé à son apogée sera aussi différent de l’idéal des communistes, des anti-étatistes de la Ligue Socialiste de 1885, et de Domela Nieuwenhuis et ses camarades anarchistes-communistes hollandais de 1897 que le christianisme actuel l’est de l’idéal des apôtres et de Tolstoï. Ceci n’est naturellement pas l’exposé de mon « principe » ; c’est seulement mon appréciation au point de vue pratique de la situation : mais puisque je juge bon d’envisager ce point de vue et que je voterais sans aucune hésitation pour un homme qui l’envisagerait de même, ou contre un homme qui adopterait ce que j’ai appelé le point de vue calviniste, tout calviniste croit ou que je ne suis pas socialiste ou que je suis si cyniquement indifférent au « principe » d’une manière abstraite que je ne puis vraiment pas être considéré comme ayant une opinion quelconque !

Pour rendre la chose claire, appliquons de nouveau la méthode jévonienne : au lieu de demander : — « Êtes-vous socialiste ou non ? » posons ainsi la question : « Jusqu’à quel point êtes-vous socialiste ? » ou encore, d’une manière plus pratique : « Nommez les choses que vous vous proposez de socialiser. Précisez le point précis auquel vous désirez porter cette socialisation ? Et quand voulez-vous en poursuivre la réalisation ? » Du moment que la question est posée de cette façon, tout prétexte d’accord disparaît. Voici quelques questions spéciales qu’on pourrait encore poser ; « Êtes-vous partisan de la socialisation de l’industrie