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fenêtre, et puis elle avait une si grande frayeur des taureaux et des chevaux emportés ! Le soir venu elle faisait bouillir l’eau sur le poêle et préparait le thé. Puis elle travaillait longuement à ses papillotes, retirait enfin ses vêtements et en pantalon elle commençait à faire des pas au pied du lit.

Le maréchal ferrant et sa femme ne quittaient pas le trou de la serrure, ils pouvaient ainsi voir les pieds de la danseuse s’agiter, tandis que sur son front se hérissaient les papillottes.

Mlle Irène se passionnait si fort pour son exercice qu’elle chantonnait à mi-voix, montant et descendant en cadence le parquet étroit de la chambre. À ce moment là, à la serrure, le maréchal, sa femme et ses mioches se disputaient toujours à qui verrait cette partie du spectacle.

Quand Mlle Irène avait cessé, rapidement elle s’enveloppait dans ses draps et songeait presque toujours au temps où elle était à l’école de danse, et elle éclatait d’un rire de gamine en constatant l’endroit où elle était couchée maintenant.

Enfin, elle s’endormait, rêvant sans cesse à cet heureux temps gai, si gai ! et elle se revoyait aux répétitions lorsque entre camarades elles se piquaient les mollets avec des épingles et criaient. Ensuite au soir dans les coulisses, et elle entendait distinctement encore le bruit tumultueux des voix, coupé soudain par le son de la cloche du régisseur.

Mlle Irène se réveillait même souvent la nuit quand elle avait rêvé qu’elle venait de manquer son entrée.


II


— Une, deux ! — mademoiselle Irène releva sa robe et avança le pied — « Les pieds en dehors… une, deux, une, deux… trois ! »

Mais les sept écoliers tournaient les pieds en dedans, et introduisaient leurs doigts dans leur bouche en sautillant.

« Petit-Jean, les pieds en dehors… une, deux, trois… encore une fois ! »

Les trois enfants de Jean Lavsen firent la révérence, la langue toute droite sortant de la bouche. « Petite Maren, c’est à droite qu’il faut tourner… une, deux, trois », mais Maren s’obstinait à aller à gauche.

— « Autant… une, deux, trois », la danseuse ce disant, sautait elle-même comme une jeune chèvre.

Le cours était maintenant sérieusement organisé : trois fois la semaine les enfants dansaient dans la salle de l’auberge, éclairée par deux lampes suspendues à une poutre. La poussière amassée