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ange d’aller recueillir son âme. Sa commission faite, l’ange vient demander à Dieu s’il doit porter cette âme militaire à l’Eden ou en Enfer. Si le soldat est condamné à l’enfer, des diablotins qui l’attendent le précipitent dans une chaudière d’eau bouillante. Pourtant le soldat « ficeleur », trouve pour se sauver un moyen ingénieux : il propose aux diablotins une partie de cartes qu’il gagne le plus souvent et d’après les conventions de la partie, les diablotins le retirent de la chaudière et trouvent le moyen de le faire entrer en fraude dans l’Eden. D’après une variante c’est à saint Pierre que le soldat propose la partie de cartes dont l’enjeu est cette fois une clef du paradis. Dans toutes les légendes où le soldat joue un rôle on le représente toujours aussi intrépide que roublard.

Ailleurs on cite l’anecdote d’un soldat qui, après être resté sous les drapeaux pendant vingt-cinq ans (c’était la durée du service militaire avant la guerre de Crimée) retournait dans ses foyers avec, pour toutes ressources en récompense de ses longues années de services, la plus petite pièce de monnaie existant en Russie et trois morceaux de biscuit. En route il rencontra Jésus-Christ, qui d’après la tradition, parcourt de temps à autre la terre accompagné de ses disciples. Un des apôtres lui ayant conseillé de profiter de l’occasion pour demander à Jésus une place dans le Royaume Céleste, le soldat qui, sans doute, ne se souciait que médiocrement du bonheur éternel qu’on lui offrait en perspective, répondit philosophiquement qu’il préférerait un paquet de tabac.

La conduite de ce trimardeur Jésus dans ses pérégrinations terrestres semble parfois assez bizarre. Ainsi dans une légende en honneur dans la petite Russie, intitulée Quarante ans et citée par l’historien bien connue Kostomaroff, on nous dit qu’un homme qui avait fait pendant quarante années profession de foi d’athéisme ne fut point puni. Dans une autre légende nous voyons Jésus envoyer un tonneau d’or à un riche qui lui avait sèchement refusé sa porte, alors qu’il laisse sans la moindre récompense une pauvre veuve, qui lui avait donné l’hospitalité.

Le peuple devait conclure de ces récits que les méchants doivent être punis après leur mort, tandis que ceux qui ont souffert sur cette terre seront récompensés dans l’autre monde. La théorie de la souffrance volontaire ici-bas dans l’espoir de trouver le bonheur après la mort est inadmissible. C’est elle qui, prêchée partout par les prêtres de la religion orthodoxe, maintient le peuple russe dans un état si arriéré et qui a en-