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fournissent à cet égard des faits d’une telle éloquence qu’il faut s’étonner de l’oubli momentané dans lequel les ont laissées les protagonistes d’une lutte constante et sans merci entre tous les êtres combattant pour l’existence. Sans doute des guerres se produisent entre telle et telle espèce de fourmis ; elles aussi ont des conquérants, des propriétaires d’esclaves ; mais il faut constater également qu’elles s’entr’aident au point de se nourrir mutuellement en cas de nécessité, de s’adonner ensemble à des travaux agricoles et même industriels, tels la culture de certains champignons et la transformation chimique des grains, enfin de se sacrifier les unes pour les autres avec un dévouement absolu. Des colonies de fourmis comprenant des centaines ou même des millions de fourmilières habitée par des espèces alliées, n’offrent que des scènes de bonne intelligence et de paix cordiale[1]. À la vue de toutes ces merveilles mentales, on est tenté de répéter les paroles de Darwin que « la cervelle de la fourmi est peut-être un prodige supérieur à la cervelle de l’homme. »

Et parmi les oiseaux, parmi les quadrupèdes et les bimanes, que d’exemples touchants de la solidarité qui unit certaines espèces ! La confiance mutuelle entre individus de la grande famille est telle que nul d’entre eux ne manque de courage : les plus petits oiseaux engagent le combat avec un rapace ; on a vu le hochequeue braver des buses et des éperviers. Les corneilles s’acharnent après un aigle par simple amusement. Dans les terres argileuses qui dominent le fleuve Colorado, dans le Grand Ouest américain, des colonies d’hirondelles s’établissent tranquillement au-dessous d’une aiguille où perche le faucon. Certaines espèces n’ont pour ainsi dire d’autres ennemis que l’homme, et dans les conditions ordinaires vivent en paix avec tout l’univers, protégées par leur parfaite union : tels sont les « républicains » du Cap et les perruches et perroquets des forêts américaines. Chez ces animaux, la solidarité va jusqu’à la bonté et au dévouement, comme l’homme pourrait les concevoir, et comme il les pratique rarement. Ainsi quand un chasseur, tirant par désœuvrement sur un vol de grues, blesse un de ces animaux qui, ne volant plus que d’une aile, risque de tomber à pic, aussitôt la bande angulaire se reforme et deux compagnons, de droite et de gauche, soutiennent de leur vol le vol fatigué de l’ami. Même de petits oiseaux joignent des migrateurs pour les accompagner par

  1. Forel, Bates, Romanes, etc.