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brés ? Sur la plage les crabes et autres crustacés montrent les endroits du sable et de la vase où se cachent tels ou tels « fruits de mer » ; chaque animal allant à la cueillette, à la fouille des racines, au viandis, à la pêche, fut soigneusement observé par le famélique, et celui-ci essaya tour à tour les nourritures diverses, baies et fruits, feuilles et racines, bestioles et bêtes qu’il voyait servir d’aliment à d’autres animaux. Bien plus, l’homme a pu demander à ses éducateurs l’art d’emmagasiner ses vivres pour les temps de disette : ce sont les fourmis, les abeilles, les gerboises, les écureuils et chiens des prairies qui lui ont appris à se construire des silos pour y placer l’excédent de nourriture recueilli dans les saisons d’abondance. Enfin, que de moyens thérapeutiques, feuilles, bois ou racines, le malade ou le blessé a-t-il vu d’abord employer par des bêtes !

Peut-être même est-ce à l’exemple des animaux que l’homme dut en mainte contrée ses débuts en agriculture. C’est ainsi que, d’après le naturaliste Mac Gee, le travail de la terre en vue d’une récolte annuelle aurait son premier stade en plein désert, notamment dans le pays des Indiens Papagos, partie de l’Arizona voisine du golfe de Californie. Ici les indigènes ont sous les yeux le travail des fourmis « laboureuses », dont les colonies, parsemant la plaine par dizaines de millions, ont mis en production le quart, sinon le tiers de toute la Papagueria. Chaque colonie a son champ de céréales bien entretenu et son aire à battre le grain d’une propreté parfaite. L’éveil bien naturel de l’amour-propre à la seule vue de ces prodiges, devait nécessairement entraîner le Peau-Rouge à imiter l’œuvre de la fourmi : chaque année, il visite les régions du sud pour en rapporter des graines de maïs, des pépins de citrouille, des haricots, qu’à son retour, au commencement de la saison des pluies, il jette dans les terres arrosées et dans le sol des ravins humides. Cette pratique d’agriculture date probablement des âges les plus antiques et paraît même avoir été dans ce pays la principale cause de l’organisation des Papagos en tribu[1].

Si l’homme doit infiniment à son éducateur, l’animal, pour la recherche et la conservation de la nourriture, c’est à lui aussi qu’il doit très souvent l’art de choisir une demeure ou de se faire un abri. Mainte caverne lui serait restée inconnue s’il n’avait vu la chauve-souris tournoyer autour de la fissure

  1. Mac Gee, The American Anthropologist, X, 1895.