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toir et étala sous ses yeux la chemise et la robe dont il était devenu possesseur, sans oublier le petit ruban bleu. Et partant d’un éclat de rire :

— N’est-ce pas que c’est une jolie surprise ? Ha, ha, ha !… Et maintenant, va donc voir le beau spectacle que nous donne ta Figure.

Un moment Bachka demeura saisi et Vanka Caïn, d’un geste brusque, le fit avancer jusqu’au seuil de la petite salle où La-Figure répétait pour la dixième fois la représentation de la légende de son cadeau qu’elle modifiait à sa manière.

Le public l’applaudissait à outrance et riait à pleine gorge.

Bachka pâle, plus blanc qu’un linceul, la contemplait d’un long regard.

— Tu la vois ? souffla Caïn à son oreille.

— Oui.

— Et c’est vrai ? insista-t-il.

— C’est vrai.

Les habitués, s’étant aperçu de la présence de Bachka, se turent tout à coup et un à un s’éloignèrent de cette femme qui resta seule au milieu de la pièce plongée dans un complet état d’ivresse.

Et Bachka, ahuri, immobile, restait là, comme devant un spectacle invraisemblable.

— Ah, assomme-moi donc çà ! l’excita Caïn, en le poussant légèrement vers La-Figure.

D’un œil sombre, Bachka fixa un instant le cabaretier en lui lançant un sourire plein d’ironie et de mépris ; puis, d’un pas chancelant, se dirigeant vers la porte

— Attends, où vas-tu ? Prends-donc, au moins ton bonnet, lui cria Vanka Caïn.

Mais Bachka, déjà loin, ne l’entendit pas.

Depuis, on ne le revit plus à «  Plevna ».

Il disparut à tout jamais de Propadinsk.


Sibiriak.


Traduit du russe par Marie Stromberg.