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couche de neige que l’on aime tant à contempler de sa fenêtre, lorsqu’on est dans une chambre bien chauffée et que, dans sa garde-robe, on possède une pelisse bien fourrée pour braver les intempéries

— Dis donc, quel déplorable et chétif organisme que le tien, s’indignait Bachka chaque fois qu’ils étaient dans la rue et que Médaillon, transi de froid, claquait des dents. Regarde-moi, on dirait que je suis taillé d’une seule pièce dans un roc…

Dans le temps, Bachka, de même que les autres habitués de « Plevna », couchait dans une petite pièce qui se trouvait au fond de la maison ou bien il allait chercher un gîte de nuit dans un bouge quelconque. Maintenant il disparaissait chaque soir en compagnie de Médaillon.

— Il va coucher avec sa belle, qui n’a pas l’aplomb de se présenter ici pour nous montrer ses beaux yeux effrontés, disaient les amis de « Plevna » en haussant dédaigneusement les épaules.

La-Figure était malade et alitée dans son sous-sol. Bachka et Médaillon lui apportaient de quoi se chauffer et se nourrir et pour trouver les quelques kopecks qu’ils dépensaient pour elle, il leur fallait battre la ville.

Pour cette femme, Bachka changea du tout au tout. Maintenant il la soignait comme un enfant, à sa guise, d’une façon brusque, à la séminariste, bien entendu. En le voyant faire, on aurait pensé qu’il allait la battre. Mais cela ne l’empêchait pas de passer au chevet de la malade les longues nuits d’automne s’éternisant dans le silence profond de la ville endormie. Il s’était chargé d’amener le médecin et c’était lui qui avait trouvé le moyen de fournir les médicaments ; il procura un matelas et une couverture à sa protégée. Et comme il avait encore à s’occuper de Médaillon pour lequel il s’était senti une très grande affection dès le premier jour, il devait travailler sans relâche.

La-Figure, les yeux fermés, gisait sur son lit et semblait ne reconnaître personne. Consumée par une fièvre intense, toute la nuit, elle s’agitait, en râlant en poussant de sourds gémissements.

Heureux de la soigner, Bachka lui mettait des compresses froides, prenait sa température, lui faisait prendre les médicaments.