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LES DÉCLASSÉS[1]

(SUITE ET FIN)


V


Huit jours après, accompagné de Médaillon, Bachka se présenta inopinément à Plevna où il reprit sa place habituelle, comme si de rien n’était. Ses anciens amis le regardèrent de travers, mais Bachka, d’un air dégagé, avec l’astuce qui lui était propre, affecta de ne pas s’en apercevoir.

— A-t-il de l’audace, cet homme ! se dit Akoulina Mitrevna. Il a sûrement une secrète pensée… Ce n’est pas pour rien qu’il retourne par ici ! Et il a su trouver moyen de se vêtir tout battant neuf… Espèce de chien !… Où as-tu donc ramassé tout cet argent ?…

Bachka, en effet était dans une tenue tout-à-fait correcte : chaussé de bottes neuves avec un pantalon neuf et un pardessus ouaté très propre, quoique acheté d’occasion. Sous un léger veston, Médaillon grelottait de froid à côté de lui.

— Tu sais que nous avons porté ton nom sur la liste des noyés, lui dit Vanka Caïn, en déposant sur la table une grande bouteille d’eau-de-vie. Beaucoup de gens sont venus te demander… Je leur ai exprimé toute ma profonde douleur, car il est cruel de s’en aller à la fleur de son âge et pour comble sans faire pénitence…

— Laisse-moi tes blagues de côté, dit Bachka en lui coupant la parole. Tu vois, je t’amène un bon client.

— Eh bien ! Nous sommes toujours honorés de recevoir d’honnêtes gens. L’argent ne suffit pas pour faire son chemin, il nous faut encore des hommes de mérite comme toi.

  1. Voir L’Humanité Nouvelle n°s 4 et 5 septembre et octobre, p. 457, 588.