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ration pour ses talents, il ne se faisait pourtant pas scrupule de faire peser sur lui sa main de Caïn.

Les autres habitués de « Plevna » se groupaient autour de Bachka.

Kornilytch, ancien commerçant ruiné, était un fort joueur de billard. Vivant de sa réputation, il passait nuits et jours dans les cafés, épiant l’instant favorable où il pourrait exploiter quelque joueur. Et, retournant à « Plevna », il y dépensait tout son gain à faire bombance. Grand viveur, prodigue, dépensier incorrigible, il éprouvait le besoin de faire du chic en dépensant l’argent. Pas très buveur, il aimait à passer ses loisirs à « Plevna » uniquement pour se trouver en compagnie d’une personne aussi distinguée que Bachka.

Trouba était un paysan déchu. À Propadinsk, il avait inventé une industrie toute spéciale ; très affable, il sut attirer les moujiks qui venaient au marché, et ils formèrent sa clientèle. Toujours porteur d’un jeu de cartes, il le gardait soigneusement dans l’une de ses poches ; dans une autre, il avait un gros sou ingénieusement fabriqué. C’était son secret ; il ne s’en servait que dans des moments opportuns et jamais il ne l’exhiba à « Plevna ». Voici comment il s’y prit pour le truquer. Il le lima à la moitié de son épaisseur en laissant intact le côté qui portait l’inscription, fit des trous sur la surface travaillée et y versa du mercure. Puis il le souda avec la moitié d’un autre sou auquel il laissa l’effigie de l’aigle. Dès qu’il voyait dans un cabaret un individu légèrement éméché, il l’entraînait pour l’engager à jouer aux cartes ou au jeu de pile ou face. Et c’est alors qu’il avait recours à son fameux sou, ne courant plus les risques de perdre, car immanquablement cette pièce devait retomber du côté du plus lourd. Et alors il portait son gain illicite chez Vanka Caïn où il se mettait à boire en paysan jusqu’à ce qu’il eût complètement mis à sec sa bourse.

Qui était Ckocklik ?… Il ne le savait pas lui-même. Très timide, inoffensif, il se laissait tout dire et tout faire sans jamais tenter de protester. Son existence était énigmatique pour ses amis eux-mêmes. Ils savaient seulement qu’il jouait de la guitare et qu’après de grands efforts il était parvenu à jouer même des airs d’opérettes avec deux bouchons qu’il se mettait entre les dents. Kornilytch et Trouba exerçaient sa patience et Bachka