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qu’une quantité infinitésimale qui ne peut plus être mesurée. Eh ! bien, ces quantités infinitésimales accumulées forment des montagnes… Oui, mon ami, c’est ainsi et c’est précisément ce qui se produit tous les jours dans votre commerce.

— Parbleu ! et chacun son métier… Il y a cependant une chose que je ne peux comprendre : quand vous vous mettez à raisonner, vos paroles coulent de source et vous apportez beaucoup de logique dans votre jugement. Mais, dans la vie pratique, c’est autre chose ; vous êtes embarrassés de vous-mêmes ; avec tout votre savoir, vous ne savez rien faire de vous… Il y a des moments où ça fait pitié !… Avec tant d’instruction et tant d’esprit quelle belle carrière ne pourrait-on embrasser ? Mais… Grand Dieu !…

— Ceci, mon cher Ivan Vassilievitch, est une question qui n’est nullement à ta portée et tu ne devrais pas y toucher.

Bachka devint bientôt la main droite de Vanka Caïn dans toutes les affaires importantes de son établissement et, en même temps, une sorte de vache à lait dont il tirait régulièrement revenu. En effet, c’était Bachka qui donnait le ton à « Plevna » ; il y était un personnage influent. Il se fit une spécialité de la profession d’avocat, qui lui rapportait parfois des sommes assez rondelettes. Il s’empressait alors de s’habiller correctement, mais il ne tardait guère à se défaire de ses effets. Il comptait de nombreux clients parmi les commerçants et les ecclésiastiques qu’il exploitait avec une adresse peu commune. Et c’est de « Plevna » que sortait la masse des pétitions qui encombraient les différentes instances des tribunaux. Il figurait encore comme témoin dans tous les actes des deux notaires de la ville.

Bachka gagnait ainsi au minimum un rouble par jour, mais, dans cette vie agitée, il y eut des périodes stériles où il demeurait des semaines entières sans toucher un kopeck. Alors toutes sortes d’aventures lui arrivaient. Et c’était précisément quand il pouvait disposer d’une somme d’argent assez forte qu’il allait la dépenser de suite et qu’il s’adonnait à l’alcool, jusqu’à se dépouiller de ses vêtements et à ne plus être en état de se présenter chez le notaire.

Alors Vanka Caïn le tirait d’embarras sans laisser échapper cette belle occasion de lui faire, chaque fois, de vives remontrances. Et, tout en gardant au fond du cœur une grande admi-