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n’est-ce pas ? Oui, oui… dans le temps j’ai connu beaucoup de séminaristes… C’étaient de charmants garçons et qui ne lâchaient pas prise lorsqu’il s’agissait de boire.

Avec un geste de pudeur, elle redressa sa robe tournée de côté, cacha ses pieds crottés et, gardant le silence, elle s’efforça de prendre l’air sérieux d’une personne comme il faut. Malgré cela, son visage enflé se dilatait en un détestable sourire qui choquait Bachka lui-même et lui produisait l’effet d’une brûlure causée par un fer rouge appliqué sur son corps. Mais, dans son stoïcisme, il voulut aller jusqu’au bout et montrer du caractère.

Trouba, Kornilytch et Ckocklik se pressèrent dans un coin comme pour imiter les derniers Romains. Ils conservaient l’air de gens de bonne société, connaissant les règles de l’étiquette. Ils s’entretenaient à demi-voix de sujets différents comme s’ils se trouvaient chez un ami décédé ou auquel un grand malheur serait arrivé.

Un événement inattendu mit fin à cette pénible situation. Une scène émouvante se passait au comptoir entre le cabaretier et sa maîtresse. Frémissante d’abord, elle éclata en sifflements de rage à l’instar d’un serpent, se répandit en injures et finit par sanglotter.

— Bien que je ne sois pas ta femme légitime, piailla-t-elle, en agitant ses longs bras dans l’air, je te dirai cependant que tu n’as pas un brin d’esprit. Est-ce que nous allons laisser longtemps entrer des femmes comme ça dans l’établissement ? Mais cette salope va voler tout ce qui lui tombera sous la main. Est-il possible de la surveiller continuellement ? Il faudrait que je sois vraiment damnée pour supporter dans cette maison toutes les traînées de la rue.

— Veux-tu fermer ta gueule, espèce de corneille ? reprit grossièrement le cabaretier, bien qu’il ne le fit que par convenance, pour montrer à ses clients sa fermeté de patron. Attends, je vais joliment t’arranger. Que je commence… tu verras si je te mets en miettes !…

— Eh ! frappe-moi, frappe donc ! Mais, jamais je ne souffrirai qu’une coureuse de rues vienne ici donner des ordres, criait Akoulina d’une voix à tout rompre, comme si l’on eut voulu l’assassiner. Quoique nous ne soyons pas en règle comme la loi l’exige, il faut cependant qu’il y ait de l’ordre