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LES DÉCLASSÉS[1]

(SUITE)


III


Les hôtes habituels de la salle réservée de « Plevna » ont passé une très mauvaise journée, attendant avec une grande anxiété le retour de Bachka. Ennuyés, ils ont tué le temps à se rappeler différentes anecdotes qui démontrent l’ingéniosité de leur ami ; puis, ils ont commencé à grogner et à jurer contre lui parce qu’il les faisait languir trop longtemps pour les tirer d’embarras. Enfin, tous sont restés silencieux comme des gens qui sentent que leur dernier espoir va leur échapper. À la tombée de la nuit, Vanka Caïn lui-même en eut pitié et leur envoya un panier de pain noir et d’oignons.

— Notre Bachka aura été conduit au poste de police dit à plusieurs reprises Kornilytch. Il sera entré chez un marchand de vin pour se réchauffer, il aura pris un petit verre et quoi d’étonnant que l’ivresse l’ait gagné par ce froid. Cela est arrivé souvent.

Et, comme pour confirmer en partie la supposition de Kornilytch, Bachka, dans un complet état d’ivresse, apparut sur le seuil du cabaret. Nos amis furieux s’apprêtaient déjà à lui adresser d’amers reproches pour les avoir fait poser si longtemps, quand, ahuris, ils restèrent comme paralysés en apercevant derrière Bachka la silhouette de sa nouvelle connaissance.

— Messieurs !… je vous présente… voilà une femme… Figura Ivanovna…

Un morne silence accueillit cette présentation et les amis feignirent de ne pas la voir parmi eux.

  1. Voir l’Humanité Nouvelle, n° 4.