Page:L'Humanité nouvelle, année 1, tome 1, volume 1.djvu/576

Cette page a été validée par deux contributeurs.


Sur mon sépulcre, si tu vois poindre un jour
Dans l’herbe épaisse une humble et simple fleur,
Approche-la de tes lèvres et y embrasse mon âme ;
Que je sente sur mon front descendre dans la tombe glacée
Le souffle de ta tendresse, la chaleur de ton haleine.

Laisse la lune m’inonder de sa lumière tranquille et douce.
Laisse l’aube épanouir sa fugace splendeur.
Laisse gémir le vent en long murmure grave,
Et si quelque oiseau sur ma croix descend et se pose,
Laisse l’oiseau chanter son cantique de paix.

Laisse l’eau des pluies qu’évapore le brûlant soleil
Remonter pure au ciel emportant ma clameur.
Laisse un être ami pleurer ma fin prématurée,
Et par les soirs sereins, quand pour moi priera quelqu’un,
Prie aussi, ô Patrie ! prie Dieu pour mon repos.

Prie pour tous ceux qui moururent sans joie,
Pour ceux qui souffrirent d’inégalables tourments,
Pour nos pauvres mères gémissant leur amertume,
Pour les orphelins et les veuves, pour les prisonniers qu’on torture,
Et prie aussi pour toi qui marches à ta Rédemption finale.

Et quand dans la nuit obscure s’enveloppera le cimetière,
Et que seuls les morts abandonnés y veilleront,
Ne trouble pas le repos, ne trouble pas le mystère.
Si parfois tu entends un accord de cithare ou de psalterion,
C’est moi, chère Pairie, c’est moi qui te chanterai.

Et quand ma tombe, de tous oubliée,
N’aura plus ni croix, ni pierre, qui marquent sa place,
Laisse le laboureur y tracer son sillon, la fendre de sa houe,
Et que mes cendres, avant de retourner au néant,
Se mélangent à la poussière de tes pelouses.

Lors peu m’importera que tu m’oublies ;
Je parcourrai ton atmosphère, ton espace, tes rues ;
Je serai pour ton oreille la note vibrante et limpide,
L’arôme, la lumière, les couleurs, le bruit, le chant aimé,
Répétant à jamais l’essence de ma foi.