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Peut-être, aurait-elle reconnu mieux que nous l’ânesse de Balaam, à cause de la Fête de l’Âne, ou quelque autre drame biblique, parce que les acteurs des Mystères le jouaient sur les tréteaux. Mais cela prouverait alors en faveur du théâtre et non de la cathédrale, comme moyen d’instruction pour les illettrés. Si l’image avait été réellement le livre de ceux qui ne savaient pas lire, elle n’aurait pas contenu, en français et en latin, plus d’explications écrites qu’elle n’en a jamais contenu depuis. Si elle avait été alors comprise par la foule, nombre de légendes pieuses ne seraient pas sorties d’une fausse interprétation et d’un quiproquo des sujets figurés, comme on sait qu’elles le furent. Enfin, puisque la foule des fidèles n’a pas cessé d’aller à l’église, ni l’église de contenir ces sujets, les fidèles les connaîtraient aujourd’hui comme autrefois. La tradition n’ayant jamais été interrompue, rien ne se serait perdu. Il faut en rabattre. En réalité, il n’y a jamais eu d’autre « livre du peuple », autrefois comme aujourd’hui, que le théâtre. Les héros et les actions qui sont incarnés par des figures vivantes, devant la foule, sur la scène, entrent dans la mémoire populaire avec toutes les déformations que la légende ou l’auteur leur font subir : les autres sont comme s’ils n’étaient pas. Du jour où l’on a cessé de représenter, sur la scène, le Sacrifice d’Abraham ou la Fille de Jephté, le peuple n’y a plus rien compris à l’église. La statue, le bas-relief, le retable, ou le vitrail n’étaient que les répé-