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la ville, appelée « la porte des Chasseurs », sur le chemin des prairies et des forêts de hêtres, s’étendait un parc touffu, ombreux, mystérieux, enchevêtré, qu’on appelait la Mathildenhöhe. On n’y voyait jamais personne, sauf quelques enfants, le jeudi, ce qui faisait qu’on l’appelait le « parc du jeudi ». Beaucoup de vieux habitants de Darmstadt ignoraient son existence. Des pavillons royaux, inhabités, contrevents fermés, oubliés par les princes, adoptés par les mousses et les aristoloches, paraissaient, çà et là, au détour d’une allée. Le reste était sauvage. On eût pu, en cherchant bien, trouver les troncs d’arbres où habitait la sœur des Sept Corbeaux, où l’épée de Siegfried est plantée. C’était beau. Toutefois le jeune prince jetait sur ces splendeurs végétales un regard sévère. Peut-être se rappelait-il le parti que les habitants de la Riviera ont su tirer de leurs pinèdes et de leurs champs d’oliviers, en les remplaçant par des garages d’automobiles ou des maisons de rapport. Il lui parut que l’Allemagne avait assez entretenu de forêts mystérieuses, dans le passé, pour le plaisir des Richter et des Schwind, et qu’il était temps de monnayer le mystère. Bref, il découpa, abattit, dépeça, vendit tout ce qui était d’un rapport facile, traçant, à travers le parc féerique, des rues et des trottoirs, pour mieux attirer le chaland. Il restait encore un morceau d’importance : ne sachant qu’en faire, il le donna aux artistes.

Un des thèmes favoris de la critique contempo-