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prairies, des vieillards lisant leur Bible, ou des gnomes lutinant des fées dans la forêt. Hans Thoma, Max Klinger, Franz Stuck peuvent, là-dessus, servir de contre-épreuve. Il semble donc bien qu’ils expient, en ce moment, leur infidélité au penchant naturel de leur race. La génération précédente : les Ludwig Richter, les Moritz de Schwind, les Defregger, les Spitzweg, les Menzel, n’étaient pas de très grands artistes, mais leur art n’était nullement emprunté. Ils faisaient tranquillement leur petite besogne locale et de terroir. Ils balayaient devant leur porte.

Leurs successeurs n’ont pas été si sages, ni si heureux. En se juchant, tout d’un coup, sur un Sinaï de pacotille, en enflant la voix pour annoncer des choses qui dépassent de beaucoup leur compréhension et tenter des prodiges qui excèdent de beaucoup leur puissance, ils ont oublié ce qu’ils avaient à dire et n’ont rien trouvé d’autre. L’artiste allemand ressemble à un bon comptable qui s’imagine, un jour, avoir le génie des affaires : il emprunte à tout le monde, monte une entreprise gigantesque, s’y ruine, et donne à rire aux passants, jusqu’au jour où il regrimpe sur son tabouret et se remet à faire ses petits calculs, à la satisfaction générale.