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rière eux le vice, la misère et une haine intense déchaînée contre eux, sur tout le sol que leurs pieds maudits ont foulé. Ils font précisément la même chose en France, l’écrasent, la dépouillent, la laissent dans la misère, la rage et la honte, et s’en retournent chez eux, se pourléchant d’aise, chanter un Te Deum[1]. »

Tout ceci, je ne prétends pas que ce soit, et ce ne peut être, en effet, un diagnostic de l’âme allemande. Il y a d’autres éléments à considérer que l’art dans la psychologie d’un peuple, surtout quand cet art est, comme ici, voulu, guindé, composé de toutes sortes d’emprunts. Mais l’artifice même, que dévoile cette recherche, et l’échec total où elle aboutit sont de précieux indices. À ne considérer l’âme allemande que dans son art, il ne semble pas du tout que le brutal, le colossal, et le terrifiant en soient des caractères fonciers. Ce sont manifestement des caractères acquis et assimilés par une forte volonté. Tandis que la grâce, l’ordre, la mesure sont, chez l’artiste français, si naturels que, pour y manquer, il faut qu’il fasse quelque effort, ce caractère hautain et brutal de l’Allemand est si manifestement voulu que le même artiste, fort médiocre quand il se l’impose, devient tout de suite meilleur lorsque, d’aventure, il cesse de se suggestionner et se remet, comme ses ancêtres, à peindre des petites filles dans des

  1. John Ruskin. Fors Clavigera, vol. IV.