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Par exemple, un de leurs critiques loue Courbet et Millet d’avoir « introduit des éléments absolument allemands dans la peinture française[1] ». C’est une forme de folie raisonnante très curieuse à observer. Ruskin, qu’on me pardonnera de citer cette fois encore, parce qu’il serait difficile de mieux voir aujourd’hui même ce qu’il démêlait, il y a longtemps déjà, avec une lucidité singulière, écrivait dans Fors Clavigera, en 1874 : « Il n’y a de bonheur que pour les doux et les miséricordieux et l’Allemand ne peut être ni l’un ni l’autre : il ne comprend même pas ce que ces mots signifient. C’est là qu’est l’intense, l’irréductible différence entre les natures allemande et française. Un Français n’est égoïste que lorsqu’il est vil et déréglé ; un Allemand est égoïste dans les plus purs états de vertu et de moralité. Un Français n’est sot que lorsqu’il est ignorant : aucune somme de science ne rendra jamais un Allemand modeste. « Seigneur, dit Albert Dürer en parlant de sa propre œuvre, cela ne peut être mieux fait. » Luther condamne, avec sérénité, l’Évangile de saint Jean tout entier, parce qu’il arrive que saint Jean n’est pas précisément de son avis. De même, lorsque les Allemands occupent la Lombardie, ils bombardent Venise, volent ses tableaux (dont ils sont incapables d’apprécier un seul coup de pinceau) et ruinent entièrement le pays moralement et physiquement, laissant der-

  1. Rosenhagen. Trübner, Leipzig, 1909.