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de spectacles intéressants : — seulement, ce ne sont point du tout les spectacles qu’ils en attendaient. Des paysages dénudés, désolés, calmes ; des ciels animés par des nuages plus riches et plus divers ; des nuits parées d’une joaillerie multicolore ; des scènes d’intérieur, de cave, en clair-obscur ; des faces graves et réfléchies d’hommes mûris par l’épreuve, ennoblis par le sacrifice ; enfin, les gesticulations surprenantes des races enfantines ou le flegme des athlètes formés à l’école des dieux grecs : voilà quelques-uns des thèmes nouveaux que la guerre propose aux peintres. Et lorsque les jeunes artistes, qui sont en ce moment à vivre une Épopée, auront le loisir de la peindre, voilà sans doute ce qu’ils peindront.

Mais, dans tout cela, où est la bataille ? Wo die Schlacht ? Le mot fameux de Moltke, si souvent cité et ridiculisé dans les Ecoles de guerre du monde entier, depuis 1870, s’ajuste exactement aux figurations de la guerre moderne : ce sont des paysages, des scènes d’intérieur ou de genre, des portraits sans doute inspirés par la guerre, — mais ce ne sont pas des « batailles ». Les belles œuvres déjà inspirées par elle évoquent la lutte, mais ne la montrent pas. Les quelques tableaux qui la montrent et qui ont paru au Salon ne sont, jusqu’ici, que des tableaux de circonstance. On n’y sent pas du tout l’ivresse de l’artiste en face d’une nouvelle forme plastique ou pittoresque, devant une harmonie inédite de couleurs, — ce que furent,