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son portrait dans les plus modernes figures de « lignards » ou de mobiles, chez Neuville, que dans les Léonidas de David. Il faut le créer. Il mérite bien qu’un grand artiste vienne qui nous le révèle.

Mais ce n’est pas tout. Un des traits les plus marquants de cette guerre est un mélange de races tel que, depuis les Croisades, il ne s’en était pas vu de pareil. Comme les Expositions universelles, elle déracine, mais bien plus profondément, parce qu’elle dure plus longtemps et jette les déracinés dans des rencontres tragiques où le tréfonds de l’âme paraît. Elle révèle l’humanité à elle-même. Ce n’est pas sans une stupeur, d’ailleurs joyeuse, que le paysan de France a vu passer devant sa porte, — pour peu que sa porte s’ouvrît sur une grande route, — les Anglais athlétiques et rieurs, assis, leurs grandes jambes pendantes, sur d’immenses fourgons ; les Sénégalais au rire blanc dans des faces noires, furieux seulement d’être appelés « nègres » ; les Hindous cérémonieux et graves, qui demandaient des chèvres et qui offraient des bagues ; les Marocains hautains et agiles ; les colosses blonds de l’Ukraine au sourire enfantin ; les Serbes taillés dans du vieux chêne ; les mystérieux Annamites aux yeux bridés ; les Italiens emplumés et grandiloquents ; les Portugais bruns et lestes ; enfin, les Américains gigantesques glabres et fastueux.

Ce défilé hétéroclite de tous les peuples accourus