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chanceté. Au milieu de ses camarades et en face de l’Ennemi, il reste un homme de famille, l’homme aussi d’une profession pacifique, d’un métier qu’il reprendra. Mutilé, il ne se soucie pas de l’hospitalité glorieuse des Invalides. Il se voit rentré chez les siens. En ce sens, ce n’est pas un « militaire professionnel ».

Mais ce n’est pas un garde national non plus. Il n’offre aucun des traits du légendaire pensionnaire de l’hôtel des Haricots, discutant ses chefs, fécond en « motions », abandonnant sa garde pour sa boutique, assidu aux meetings, en un mot un militaire amateur. Le poilu est formé, façonné, discipliné par la vie des camps, autant que le fut jamais chez nous le militaire professionnel. Il est expérimenté et connaît son métier, à fond, mieux que ne le connut jamais soldat de métier. Il a subi toutes les épreuves possibles du feu, du froid, de la fatigue, de la faim. Le légionnaire antique n’a pas davantage bouleversé le sol, construit, fortifié. Il est épique. Et ce paysan ou cet ouvrier, qui ne s’est levé que dans un but impersonnel, — défendre le sol des ancêtres, — sans rien espérer pour lui, ni pour rien changer à sa vie d’avant-guerre, sans rien abdiquer de ses opinions et de ses revendications, avec la colère du travailleur surpris en pleine besogne pacifique et la résolution de l’homme libre qui ne veut pas être asservi, ce « soldat-citoyen », dans le sens noble du mot, c’est le « poilu ».

Ces traits passent dans sa physionomie. Comme