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ces types, ils ne sont pas caractéristiques du soldat actuel. Ce qui le caractérise, c’est le type qui tranche le plus vivement sur ses prédécesseurs. Il n’est pas apparu tout de suite. Au début, aux jours d’été 1914, le premier élan du soldat jeune, inexpérimenté, confiant, courant au sacrifice dans une ivresse quasi mystique, les nouveaux officiers arborant le casoar et les gants blancs, évoquaient une France de jadis, élégante et téméraire. « Ce sont les mêmes ! » s’écriait en les voyant un officier prussien qui se souvenait de 1870.

Mais à mesure que la guerre s’est prolongée, dure et lente, un trait s’est dégagé qui a fixé le type. Tout le monde le connaît. C’est l’homme de la tranchée, casqué, habillé d’un bleu que la boue a rompu, chargé d’engins et d’outils, de grenades, de pioches et de pelles, le vétéran réfléchi, tenace, endurant, venu de l’usine et surtout du champ, qui défend la terre avec l’âpreté qu’il mettait à la cultiver, simplement héroïque sans phrases, presque silencieux, philosophe à sa manière, un peu fataliste, servant son idéal sans le définir, rompu aux finesses du métier, sachant ce que vaut l’ennemi et conscient de sa propre force : — c’est le « poilu ». Assurément, il y a bien d’autres types de soldats dans cette guerre : il y a le loustic gai, fantaisiste, la « fine galette » d’autrefois ou le joyeux « bahuteur ». Il y a l’officier correct et réservé, mais le plus représentatif reste le « bonhomme » ou le « poilu ».