Page:L'Art pendant la guerre 1914-1918.djvu/261

Cette page a été validée par deux contributeurs.

plus formidable, assurément, que le canon historié des Invalides, cannelé en hélice, avec ses devises féroces : velox et atrox, igne et arte ; mais étant mince, fluet, d’ailleurs entièrement défilé sous des feuillages, il ne manifeste point, par son attitude modeste, l’action qu’il exerce au loin. Une attaque de tanks est mille fois plus redoutable qu’une charge de cavalerie, mais elle n’est pas, comme l’autre, expressive d’un effort humain, ni animal, ni de la fougue et de la beauté de ceux qui les manient. Un tank marchant à l’attaque a, dans un tableau, l’air immuable d’une maison. Pareillement, l’aviateur voit infiniment mieux que le cavalier d’autrefois envoyé en éclaireur, mais il est moins visible et enfoui dans sa carapace ; il n’est guère plus représentatif de son rôle qu’un scaphandrier. Même le mitrailleur, qui exerce en une minute plus de ravages dans les rangs ennemis que le sabreur de Lasalle ou de Murat durant toute sa vie, est loin de faire un geste aussi démonstratif. Toute l’évolution de la guerre tend donc à raccourcir le geste et à condenser l’effort, et ainsi à masquer l’action de l’homme.

Elle masque l’homme lui-même et voici que le visage du soldat, qui s’était toujours montré à découvert dans le combat, depuis le xvie siècle, est parfois entièrement voilé. Nous touchons au dernier trait caractéristique de la guerre moderne : l’arrivée sur le champ de bataille d’auxiliaires déloyaux et sournois : le chlore, le brome, les va-