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Il a légué son centaure à Stuck et à Klinger, et c’est merveille ce qu’ils en ont fait et toutes les sauces à quoi ils l’ont accommodé ! Ce centaure poursuit, encore là-bas, une carrière extrêmement profitable. La magnifique villa antique de Stuck, à Munich, a été payée par ce centaure. Les idées, — même les idées d’autrui, — ne demeurent pas improductives en Allemagne.

Enfin, Bœcklin avait fait une dernière trouvaille : son Île des Morts. Il en était si satisfait qu’il l’a répétée, nul ne sait combien de fois. C’est la page de lui qu’on connaît le mieux à l’étranger : une cuve de pierre, pleine de cyprès, baigne dans un lac noir, échancrée en toute sa hauteur pour qu’on puisse voir qu’il ne s’y passe rien, une barque glisse sur les eaux endormies et ramène à la « bonne demeure » un hôte debout en son linceul. C’est une création très artificielle. On sent que l’artiste a réuni, méthodiquement, tout ce qui peut donner l’idée de l’insensible et du perpétuel : une île escarpée et sans bords, une eau sans mouvement, un crépuscule éternel, l’ombre, une nature où rien ne change, où rien ne naît, où rien ne souffre, où rien ne meurt. L’impression produite, bien qu’artificielle, est assez forte. Ainsi se clôt le cycle des découvertes du peintre suisse. La passion de l’antique, la recherche du brutal, enfin le terrifiant, — voilà tout l’Art de Bœcklin.

Et c’est tout l’Art allemand contemporain. Les deux plus notables représentants de cette école