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des actions si dissemblables, qu’aucun groupe d’hommes ne peut la figurer tout entière. La plupart des combattants et des plus utiles ne témoignent pas, aux yeux, qu’ils combattent : le sapeur couché dans son trou, le microphone à l’oreille pour ouïr les travaux souterrains de l’ennemi, ou allongé dans le rameau de combat pour préparer une mine ; l’observateur suspendu à son périscope, ou accroché à sa longue-vue, dans un observatoire d’armée, ou juché dans son poste convenablement camouflé ; l’aviateur assis, au milieu de son fuselage ; l’officier d’état-major penché sur ses cartes ou sur son téléphone ; l’officier de liaison s’en allant sur une route balayée par le feu ; le sapeur qui coupe les fils de fer barbelés, en avant des colonnes d’assaut, jouent le rôle le plus nécessaire et courent les plus grands dangers ; mais ils ne diffèrent en rien, par leurs attitudes, de gens qui s’occuperaient paisiblement à des travaux ordinaires d’avant la guerre, et rien ne témoigne autour d’eux qu’il y ait bataille.

Le chef suprême, auquel aboutissent toutes les nouvelles, de qui partent tous les ordres, centre nerveux et conscient de l’immense organisme lutteur, ne gesticule pas plus qu’un patron dans son cabinet de travail. Il ne saurait, sans compromettre le succès de sa tâche, se porter incessamment sur tous les points du front, comme Masséna dans sa calèche, ou apparaître soudainement, comme Napoléon, en silhouette sombre sur le rouge horizon. Tout se passe dans son cerveau et dans son cœur.