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on rencontre seulement des ouvriers bûcherons, des terrassiers ou des rouliers pilotant paisiblement des voitures de toutes sortes. Tout ce monde-là est silencieux et calme et semble regarder en dedans. Entre les deux lignes, on s’attend à plus d’animation ; on entend, en effet, gronder les obus dans le ciel et crépiter les mitrailleuses, mais on ne voit rien, rien ! Avec une jumelle, peut-être ? Rien non plus. Cependant, on sait que si on montre sa tête, on entendra immédiatement siffler une balle ou se déclencher une mitrailleuse. C’est poignant de penser à toutes ces paires d’yeux qui surveillent à chaque seconde l’espace désert. Voilà comment nous avons passé notre hiver[1] ».

Lors d’une attaque, l’animation est plus grande. Toutefois, il n’y a plus de ces charges de cavalerie qui donnaient aux peintres l’occasion d’appliquer leur science du cheval, et des dernières découvertes de la chronophotographie, ni la ruée montante des assauts en masses serrées, comme celui de Constan-

  1. Cf. la Revue des Deux Mondes du 1er juin 1911, Craintes et espérances pour l’Art : « Le peintre ne peut donc montrer deux armées aux prises. Il pourrait se borner à montrer les gestes d’un seul parti, mais les gestes particuliers au combat se réduisent à fort peu de chose. Ils ne diffèrent plus sensiblement des gestes d’un mécanicien, d’un arpenteur, d’un affûteur ou d’un cavalier ordinaire, en pleine paix. Les uniformes mêmes pâlissent. Le tableau de bataille n’est donc plus qu’un paysage animé par des fumées, bouleversé par des retranchements, traversé par des ambulanciers, des télégraphistes, des automobiles, des bicyclistes : il peut y avoir, là, des sujets pittoresques, mais sans rien qui montre la lutte ou la bataille. »