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luer comme des organismes vivants, marcher à leur rencontre, s’enserrer, se pénétrer, se disjoindre : on ne les voit plus que sur des cartes de géographie. Fréquemment, les lettres écrites par les combattants ou leurs notes de carnets et les livres déjà parus sur la guerre témoignent de la stupéfaction que leur cause cette absence de spectacle. Sur la foi des tableaux de la grande galerie, à Versailles, ils s’imaginaient qu’ils apercevraient deux armées aux prises, des masses de combattants, coude à coude, montant à l’assaut ou croisant la baïonnette, des escadrons entre-choqués, des chevaux se mordant au poitrail, des baïonnettes affrontées jetant des buissons d’éclairs, des mises en batterie au grand galop, déployées et régulières, des gestes grandioses profilés sur un horizon de flammes, des chefs, enfin, sur des chevaux cabrés, désignant à leurs aides de camp la bataille, qu’ils semblent dessiner du bout de leur cravache sur la toile de fond : — ce qu’ont décrit le général Lejeune, le commandant Parquin, le capitaine Coignet, le général Thiébault, le grenadier Pils, le prince de Joinville, le général du Barail et tant d’autres témoins oculaires et sincères des combats d’autrefois… Rien de tout cela. « On ne voit au front, écrit un officier d’artillerie de 1915, que très peu de combattants. Ceux-ci sont couchés avec leurs canons sous des verdures de sapin, des branchages, des terrassements ou avec leurs fusils dans des tranchées. Les uns et les autres ne voyagent que la nuit. Le jour,