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bantes, — çà et là, une aiguille restée debout au coin d’une tour, une porte béante sur le vide, un escalier tournoyant dans le ciel. Lorsqu’il n’a pas allumé l’incendie qui détruit tout, l’obus a sculpté curieusement la pierre : il a rasé le beffroi à son premier étage et le ramène aux dimensions du XVe siècle ; il a creusé son hublot près de la rosace, détaché le Christ qui reste pendu par un bras à la croix vide ; décapité les statues, exhumé les morts, suspendu aux voûtes des anneaux de lumière.

Dans l’écroulement d’une église, parmi les gravats, les décombres, l’âpre poussière soulevée par l’effondrement des plâtras, les vieux appareils de construction mis à nu, parfois une vision idéale de paix apparaît : une Vierge dans sa niche continue son geste de protection, un orgue devenu inaccessible, suspendu dans les airs, attend qu’on le touche, un flambeau, qu’on l’allume, une cloche qu’on la fasse parler. Une maison éventrée laisse échapper ses meubles, son lit, son matelas, son linge ; le plancher verse, et par la paroi abattue, on aperçoit tout ce qui faisait son intimité : une pendule paisible sur la cheminée, des photographies, des fleurs. C’est un petit tableau d’intérieur ou de genre cloué au milieu d’une fresque épique, une sorte de Jugement dernier : Pieter de Hooch chez Michel-Ange.

Voilà, donc encore, un aspect nouveau. Mais remarquons-le bien : si tout cela est dû à la guerre et se voit sur le théâtre de la guerre, ce n’est point du tout le « champ de bataille ». Revenons--