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leurs lignes ; les voies lactées formées par les fusées allemandes dans les coins du ciel où un bruit de moteur leur fait soupçonner un avion ; l’éclairage immobile des chenilles incendiaires, flottant dans le ciel en attendant le malheureux papillon humain qui viendra s’y brûler les ailes, s’il touche le fil qui relie les globules de feu ; l’ascension quasi indéfinie des boules blanches montant, l’une après l’autre, comme les gouttes d’un jet d’eau lumineux ; la courbe fulgurante de ces étoiles filantes que sont les balles « traceuses » ; parfois enfin, la fixe clarté d’un projecteur, découpant le voile de la nuit dans un quart de ciel : — telles sont, avec mille autres notations plus subtiles, que les mots ne peuvent rendre, et combinés avec les clartés naturelles, les thèmes d’une richesse inouïe offerts au coloriste par la bataille nocturne. Voilà donc, avec le no man’s land et l’animation du ciel pendant le jour, le troisième trait esthétique de la guerre moderne.

Un quatrième est l’abondance et la qualité des Ruines. Certes, ce n’est pas la première guerre qui ait fait des ruines, — elles en ont toutes fait, — mais c’est la première, du moins dans les temps modernes, qui en ait fait de si complètes et de si précieuses. Depuis des siècles, on n’avait pas rasé une ville, ni détruit un chef-d’œuvre. Sur les champs de bataille, on voyait, çà et là, une ruine : maintenant, ce sont des paysages de ruines : Louvain, Nieuport, Arras, Ypres, Gerbéviller, Sermaize-les-Bains, Péronne, Loos, cent autres jusqu’à Reims,