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parmi les rayons, les reflets, sous les ombres changeantes des nuages et la vie étincelante des champs, les écharpes déroulées sous la brise, les longs cheveux flottants au vent, sont là, immobiles et solitaires dans le décor où Rembrandt place son Philosophe en méditation. C’est un décor tout nouveau pour un tableau de bataille. Jamais guerre n’a été moins que celle-ci une guerre de « plein air ». L’artiste, qui voudra en dégager le trait le plus nouveau et le plus caractéristique, devra donc, s’astreindre aux effets de clair-obscur, oublier les théories intransigeantes de l’Impressionnisme et se remettre à l’école des Rembrandt et des Nicolas Maes.

Il fera bien, aussi, de demander conseil à M. Le Sidaner et à certains Nocturnes de Whistler, car ce n’est pas seulement la demi-obscurité de la tranchée ou de la cagna : c’est la nuit qu’il devra peindre, la nuit en plein air et semée de feux. C’est un des aspects les plus nouveaux et les plus curieux de la guerre moderne : je ne dis pas des plus inattendus. Il était aisé de prévoir et l’on a prévu, en effet[1],

  1. Cf. la Revue des Deux Mondes du 15 mai 1909, Les Peintres de la Nuit : « Dans la guerre moderne, on escompte, afin d’atténuer l’effet des armes à trop longue portée, la complicité de l’ombre. Quand nous voyons, dans les Expositions, ces énormes réflecteurs braqués comme des mortiers sur le ciel il ne faut point nous fier à leur apparence débonnaire. Ces rayons blêmes, qui tournent nonchalamment, seront les regards de l’armée : pour l’assaut, de nuit ; ces fines voies lactées seront des chemins ouverts aux obus, il y a une correspondance,